L'oiseau de Feu - Dessin de Neltir

Il avait fait très chaud cet été là, trop chaud même, et pas une goutte de pluie.
Alors que je franchissais le petit ruisseau qui se terminait en une mare aux canards- bien qu'on ait jamais vu le moindre canard et qu'elle servait aux gosses de piscine sauvage- j'étais perdu dans mes pensées. J'avais perdu mon chien , juste avant l'ouverture et j'avais laissé la voiture à la maison.A quoi bon, je grimpais sur le chemin qui menait au mamelon dénudé, le chemin qui menait à la chasse.

Je traversais le petit bois, celui aux palombes, je continuais ainsi, empruntais les sentiers de garrigue et je me retrouvais enfin à l'affut.
On était en octobre et il faisait encore une chaleur accablante.
Il était encore bien tôt en cette après midi, pas une palombe en vue, je passais mon temps à scrutter l'horizon, à un bon kilomètre la ligne de haute tension dessinait d'un trait droit une ligne horizontale, au dessus un ciel clair, sans nuage et la sueur coulait sous un soleil de plomb.

Je savais que la passée serait vaine, cela n'avait pas beaucoup d'importance. J'étais dans ma garrigue, je me remémorais l'histoire de coco le coq sauvage, de toutes les péripéties de chasse, chaque pierre, chaque chemin, chaque colline portaient la trace de mes pas et de mes souvenirs.

Je ne sais pas pourquoi, à une bonne centaine de mètres de l’affût, une compagnie de rouges décolla en direction du bois, sans raison. Il n'y avait pas la paire de buses qui chassait dans le secteur, il n'y avait que le silence et une petite bise rafraîchissante, bienveillante.
La seule palombe que je devais voir ce jour là gisait déjà au fond de ma gibecière.

Il faisait un peu moins chaud, la bise se maintenait, je ne sais pas pourquoi cela me rappella le jour où on s'était réuni en famille pour la grande éclipse de soleil, d'un coup il faisait froid.
Très froid.

Le vent tournait.Au loin devant, du coté des hautes tensions j'ai vu un gros nuage de poussière se soulever du sol.

Alors je me suis retourné.

Il n'y avait plus de ciel, plus de garrigue derrière moi, il n'y avait que vent, poussière et trombes d'eau emmêlées.
C'était la fin du monde, et ça venait sur moi …



Je ne pouvais rien faire, j'étais tétanisé.
J'ai couru comme un fou, bien sur je suis tombé, je me suis relevé et puis j'ai regardé. Je n'avais jamais vu ça, les éclairs fusaient au sol, ça faisait un bruit d'enfer, la ligne à haute tension faisait paratonnerre, ça tombait seconde après seconde, j'en avais envie de pisser, de pleurer, j'étais trempé mais encore bien vivant, encore tout chaud dedans.

Je savais que je ne devais pas rester collé au bois, mais franchir le mamelon dénudé était pure folie.
De toute façon, je n'avais plus le choix.
J'avançais à genoux, courbé le plus possible, et puis un éclair tout près, et je me suis couché. Je crois bien que j'ai prié, je ne sais plus quoi, j'ai prié, je crois bien que j'ai aussi crié.

Peut être une minute, et puis une seconde, j'ai vu un bout de ciel, comme le bout du tunnel... je me suis relevé, j'ai franchi la colline, j'ai plongé dans l'eau, le ruisseau était déjà devenu une rivière et la mare aux canards un gros lac étalé.J'ai couru le chemin, je crois bien que j'ai entendu une sorte de crépitement, j'ai jeté le fusil au loin et je me suis couché.

C'est depuis ce jour là que mon oreille gauche n'entend plus grand chose, c'est tout ce que j'ai eu : beaucoup de chance.

J'ai écourté les chasses quand au moindre nuage je sens un petit vent qui tourne et fait voler quelque poussière au loin.

Je suis rentré trempé, le plus heureux du monde, j'ai plumé ma palombe.
Le lendemain je suis allé cherché mon fusil.

Il faisait un temps magnifique.

Pour avoir par 2 fois subit la foudre : une fois à une quarantaine de mètres sur un énorme épicéa dont les éclats ( dont un de + de 6m ) ont faillit  nous "trucider" ( nous étions 3 ) , et une fois tombée sur le ruisseau où j'étais occupé à pêcher , séquelles : un aveuglement temporaire , là , je t'assure , tu m'as foutu le bourdon Jean-Paul ......... Je m'y suis revu

Belle histoire une nouvelle fois , mais pas spécialement drôle J'ai connu un orage en haute montagne ... là aussi ... ça craint.

Merci pour ton récit.

Merci pour le récit,
j'ai connu aussi !

Sacrée histoire bien contée! Les éléments ont vite fait de nous remettre à notre place!

Très belle illustration Neltir

une histoire qui aurait pu mal finir effectivement

encore un beau récit, qui plus est, prouve que nous les HOMMES ne sommes pas grand chose face aux éléments, merci Jean-Paul.

Sacrée histoire Jean Paul, cela me rappelle une anecdote il y a quelques années en revenant du centre équestre du lycée ou j'étais. Alors que je marchais dans les vignes accompagné d'une petite pluie fine, celle ci s'est brusquement arrêté et d'un coup un flash bleuté/blanc et un fracas de tonnerre, tous mes poils se sont dressés d'un coup et je crois que je n'ai jamais couru aussi vite de ma vie (même si c'est la dernière des choses a faire) ...

Là en fait c'était un orage peu commun, ça a même déraciné pas mal de pins, une sorte de tornade qu'on avait pas l'habitude de connaitre, au village il y avait la fête foraine, ils ont bien dégusté !!! ils ont pris la foudre, heureusement il n'y a eu que des dégâts matériels, arbre arraché aussi sur la grande place du village... tel et edf coupés.C'est il y a quelques années, mais il y a encore des arbres qui n'ont pas encore été enlevés en forêt, ça a fait comme dans le Sud Ouest il y a quelques années, mais sur surface très réduite, on en a peu parlé aux infos.
N'empêche avant on avait pas des tempêtes comme ça.
merci à vous tous et à Neltir et au plaisir de te lire

a+
jp