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Souvenir du mali Verney10

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Rondeau
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Mer 19 Mar 2014 - 18:45
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire certains récits du forum et cela m’a décidé de vous écrire une histoire pour essayer de rembourser un peu le bonheur de vous lire. Il ne s’agit pas pour moi d’une grande histoire de chasse incroyable mais plutôt d’un coup de cœur. La vie est faite de rencontres humaines et d’expériences. Mon histoire a lieu au début de l’année 1998 et se situe au Mali en Afrique.
Je travaillais à cette époque pour un centre de formation du bâtiment qui m’offrit la chance de pouvoir encadrer des jeunes sur un projet d’aide humanitaire. Nous devions participer à la construction d’une maternité pour la ville de Bougouni située entre Bamako et la cote d’ivoire.
Nous n’étions pas l’instigateur de ce projet mais plutôt une aide et une assistance technique pour la population locale. Les femmes du village étaient à l’origine de la demande et je reste persuadé que c’est un point crucial pour un projet de développement. En effet de par mon expérience, les seuls projets durables en Afrique sont ceux issus d’une demande locale.
Nous avons bénéficié de tout le soutien de la population et d’un accueil vraiment formidable. Notre aventure a duré 1 mois et je suis persuadé que cette expérience a marqué à vie nos jeunes. Les hommes du village ont participé à la construction en nous fournissant la main d’œuvre et les femmes ont assuré l’intendance pour tout le groupe. Ces quelques semaines de vie commune m’ont permis de découvrir un continent fabuleux ou les mythes côtoient les légendes, le tout avec une profonde gentillesse, des sourires et beaucoup d’humour.
Je pourrais parler des pages entières de toutes ces émotions africaines mais là n’est pas le sujet qui nous préoccupe. Sur le chantier, les choses allaient bon train et nous avions tous lié d’amitié avec les bambaras. Je discutais beaucoup avec un petit homme, tout sec au regard de braise et aux yeux perçants. Cet homme ne se plaignait jamais et semblait supporter la chaleur écrasante sans problème. Et je peux vous dire qu’au Mali à cette période de l’année la chaleur varie entre 35 et 40°C et est exténuante. Nous commencions le travail vers 7h00 pour finir aux alentours de 13h00 car au après cette heure un travail physique devient totalement impossible pour un toubab.
Au cours d’une discussion avec sekou, j’appris que ce dernier était le chef des chasseurs du village. Il travaillait dans le bâtiment pour la SATOM pour nourrir sa nombreuse progéniture mais son cœur était pris par la brousse. Il me prit de lui dire que la chasse était aussi une passion pour moi. Piqué par la curiosité, je ne pus retenir ma question :
Dis sekou, tu m’emmènerais pas à la chasse en fin d’après-midi avec toi ?
Bien sûr et si tu veux tu pourrais même chasser avec sekou !!!!!!!!
Mais sekou, je n’ai pas d’autorisation, ni de fusil et encore moins de cartouches.
Toubab ici toute la ville parle de ce que vous faites pour nous et puis tu as rencontré le maire et tous les responsables du secteur. Enfin sache qu’en brousse il n’y a pas de garde et que celui qui nous attraperait n’a pas encore franchi la rivière aux crocodiles.
C’est vrai que j’avais rencontré toutes les autorités locales chez lesquelles il avait impérativement fallu faire bombance à tour de rôle pour ne vexer personne. De plus à 27 ans on ne réfléchit pas comme à 42.
J’acceptais avec grand plaisir l’invitation de mon ami sekou mais restais néanmoins sceptique sur les possibilités en termes d’armes et de munitions. Sekou m’expliqua qu’il irait emprunter le fusil d’un de ces amis de la tribu des chasseurs et qu’il irait au marché acheter des cartouches. Je me gardais bien de lui poser plus de questions sur les fusils ou les cartouches pour ne pas le vexer. Par contre je teins absolument à payer car les bambaras sont d’une générosité fabuleuse mais d’une pauvreté sordide. Sekou m’apprit qu’une cartouche coutait 200 F CFA et qu’il comptait en acheter 6 pour notre partie de chasse.
J’ai réalisé à ce moment-là que cet homme n’avait pas les moyens d’avoir du stock et encore moins d’acheter du surplus. Je me suis senti con et j’ai immédiatement donné à sekou de quoi en prendre 25. Sekou m’expliqua alors qu’à environ 20 km du village en brousse des paysans cultivent des champs de sorgho et de millet. Ces cultures attirent les francolins et les pintades et que nous allions les chasser. Rendez-vous fut pris le lendemain vers 15h30 pour éviter le gros de la chaleur. Je dormis mal ce soir la sous ma moustiquaire sans doute excité par cette nouvelle aventure.
La seule motorisation à ma disposition à part notre magnifique 504 dangel, était une moto qu’un ami coopérant m’avait prêté pour tout le séjour, une HONDA 650 dominator. Un gros monstre bien lourd et vraiment pas facile à manœuvrer sur les pistes. J’ai découvert pendant ce séjour que les exploits du Paris Dakar ne sont le fait que de pilotes hors normes et totalement inaccessibles au commun des mortels comme moi.
Le lendemain je me rendis au rdv à l’heure prévue et retrouvais mon ami sekou à la sortie du village au départ de la piste. Ce dernier portait fièrement en bandoulière notre armement et à l’épaule un sac de toile avec nos cartouches en vrac. Je reconnu immédiatement les SIMPLEX de la MANUFRANCE et mon visage s’éclaira d’un large sourire. En prenant en main celui qui m’était destiné je pu constater qu’il avait dû appartenir à Georges CLEMENCEAU et qu’un phacochère avait dû piétiner sur les canons et la bascule. Qu’importe sekou connait des dieux qui nous protégeront.
Nous primes la route pour environ 20 km de chevauchée sur une piste défoncée avec sekou sur le porte bagage et les fusils en travers dans le dos. Je n’ai malheureusement pas la photo de cet équipage mais je crois qu’elle vaudrait son pesant d’arachide. La piste en latérite semblait interminable et s’enfonçait inexorablement dans la brousse. La végétation éparse devenait de plus en plus dense et laissait apparaître de magnifiques baobabs. Un peu inquiet de notre expédition, j’avais pris une boussole et Je remarquais que nous prenions la direction du sud est soit vers la côte d’ivoire.
Petit à petit nous commencions à apercevoir des champs disséminés dans la végétation naturelle. Il ne s’agissait pas en fait de culture mécanisée comme on peut en voir chez nous mais de petits lopins de terre arrachés à la brousse et cultivés avec les moyens du bord. Après ¾ d’heure de rallye raid et sans avoir pris de gaufre, sekou décida que nous étions arrivés et qu’il était temps de passer aux choses sérieuses. Je coupais le contact de mon engin de la mort pour enfin bénéficier de ce spectacle. Il y a une chose inexplicable en Afrique, ce sont les sensations incroyables que procurent les odeurs, le bruit des animaux, les insectes et les paysages.
Sekou après m’avoir donné une poignée de cartouche commença à progresser dans la végétation. Son pas était rapide, énergique et surtout silencieux. Je me sentis tout balourd à coté de ce petit homme par la taille mais grand par le savoir et l’élégance de sa démarche. Il me montra une trace de serpent dans le sable qui me fit frémir car je n’avais vraiment pas envie de rencontrer le mamba. Il m’enseigna également où l’on pouvait trouver des scorpions sous l’écorce d’arbres en décomposition. Je redoutais particulièrement cet animal après qu’un compagnon se soit fait piquer sur le chantier dès le premier jour en soulevant un parpaing. La main comme une pastèque, un chamane local avait alors incisé la plaie et répandu de l’essence sur la peau en récitant des incantations en bambara. Trois jour à dormir sur une natte avec de la fièvre et il n’y paraitra plus m’avait dit le chef avec un grand sourire. Quand j’y repense, j’en ai encore des sueurs froides dans le dos, surtout avec la responsabilité des jeunes.
Sekou prenait un réel plaisir à me montrer les oiseaux, les papillons, les scarabées, les fourmilières et les arbres. Je sentais qu’il était la chez lui et qu’il tenait à m’expliquer tout cela. La sécheresse était partout et il fascinant de voir les trésors d’adaptation que développe la nature pour survivre. Nous n’avions encore pas vu le moindre gibier et il me tardait de voir les premiers gallinacés.
Sekou me dit qu’il pensait que nous n’étions pas assez proche des champs et trop dans la forêt. Nous reprîmes donc le fidèle destrier et pétaradâmes jusqu’à un milieu beaucoup plus ouvert. Sekou me désigna le bord d’un champ de sorgho et j’aperçus les premières pintades. Mon cœur se mit à battre très fort et mon sang ne fit qu’un tour. Je dis immédiatement à sekou que j’allais les rattraper.
Je vis d’abord un grand sourire sur le visage de sékou puis après quelques mètres de courses sur la piste rouge, ces bondieuseries de pintades s’envoler. Je peux vous dire qu’il m’est souvent arrivé à cette époque de courir après un perdreau ou un faisant dés-ailé et qu’avec les entraînements de rugby, j’avais la grande forme. Mais là c’était de la pintade sauvage de compétition, élevée à la dure et aimant nargué le toubab. Après quelques courses effrénées, je me rendis vite compte que cela n’était pas la bonne méthode et que les pintades étaient déjà loin. Sans chien pas facile aussi je proposais à sekou de marcher doucement dans les champs et d’essayer de faire voler les oiseaux. Cette chasse se rapproche de celle de mes plaines du Gâtinais et là je ne suis pas prenable me dis-je.
Nous attaquâmes une petite pièce de millet et de suite une volée de francolins décolla à une quinzaine de mètres de sekou. Ce dernier ne leva même pas son simplex et continua à marcher stoïquement. Mon excitation n’avait d’égale que mon étonnement, pourquoi sekou ce pisteur expérimenté ne daignait pas tirer. Vrouffff un francolin juste devant moi, oh qu’il est beau……….pan vole toujours. Je commençais à me sentir comme à la maison dans les betteraves avec les perdreaux gris.
On continue sekou, il doit y en avoir d’autres. Je trouvais mon compagnon un peu taciturne mais ma fièvre de la chasse ne cessait de grandir et le territoire semblait vraiment prometteur. Nous enchaînâmes les levées de compagnies de francolin les unes après les autres mais la réussite me fuyait. Je ne sais pas si c’était à cause du fusil un coup, des cartouches, du soleil, du chasseur ou de la poussière mais aucun volatile n’était encore au tableau. La n’est pas l’essentiel car le plaisir était immense.
Après une dizaine de cartouches parties en fumée, sekou s’approcha de moi et me dit :
Pourquoi tu tires en l’air ?
Un peu interloqué, je partis d’un grand éclat de rire et dis à sekou bah pour tuer un oiseau et le ramener aux femmes pour le manger. Alors me dit-il ce n’est pas la bonne manière de faire, tu devrais plutôt attendre que les francolins se posent et tirer à terre. De cette façon, tu pourrais même arriver à en tuer plusieurs de la même compagnie avec une seule cartouche. Toubab une cartouche coûte 200 F CFA et j’ai 9 bouches à nourrir à la maison. Je me suis retrouvé vraiment con et ai ressenti tout le décalage entre nos misérables préoccupations et leur quotidien difficile. Je n’ai pas osé lui dire que chez nous on ne fait jamais cela.
Néanmoins sekou grand seigneur eu égard au fait que j’avais payé les cartouches, a accepté que je continue mon feu d’artifice. Il a quant à lui battu la campagne pour mon plus grand plaisir et parce que j’étais son ami. Je ne me souviens plus combien de cartouches j’ai encore tiré après mais le résultat fut nul et inversement proportionnel au plaisir. La nuit tombe très vite en Afrique et la perspective de faire la route en moto de nuit ne m’enchantait guère. J’ai sollicité l’avis de sekou qui m’a dit que les dieux n’étaient pas avec nous aujourd’hui et qu’il valait mieux rentrer.
Je démarrais donc la moto et laissais sekou s’installer, j’allais avancer quand je sentis la moto bouger, entendis une détonation, me retournai immédiatement et vis sekou l’arme en joue encore fumante. Il venait de tuer un francolin au sol près d’une touffe d’herbe sèche. Il alla chercher l’animal que j’observais avec admiration et me le tendit avec un grand sourire et en disant :
Tu vois nous ne sommes pas bredouilles !!!
Le retour en partie de nuit se fit sans encombre. Les jeunes et les femmes au courant de notre expédition de chasse nous firent un accueil triomphal. Fier comme un tartarin, j’exhibai notre francolin devant toute la foule en délire. J’ai rarement été aussi raillé, chambré et vanné que ce soir-là. J’ai toujours en mémoire les rires de ces femmes provoqués par les narrations du toubab chasseur.

Alors qu’aujourd’hui on chasse plutôt les mollahs et les extrémistes au mali, j’ai une pensée pour sekou qui m’a donné cette leçon d’humilité et d’humanité.
A toi sekou au grand chasseur

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Cordialement
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Mer 19 Mar 2014 - 19:41
on s 'y croirais merci et oui c'es une autre vie
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Mer 19 Mar 2014 - 21:01
Très beau récit Rondeau! On voit que cette expérience t'a laissé un souvenir impérissable. Merci de l'avoir partagée avec nous. Souvenir du mali Wink 
Amicalement,


Dernière édition par Insulaire le Mer 19 Mar 2014 - 21:59, édité 1 fois

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Rondeau
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Mer 19 Mar 2014 - 21:26
Je mettrai des photos quand j'aurais un peu plus de temps.
Merci pour les commentaires sympas

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Mer 19 Mar 2014 - 21:47
Effectivement , un grand merci .
J'ai pris beaucoup de plaisir a te lire , et on sent effectivement toutes l'émotion que tu as pût ressentir .

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Sam 22 Mar 2014 - 9:21
alex33 a écrit:Effectivement , un grand merci .
J'ai pris beaucoup de plaisir a te lire , et on sent effectivement toutes l'émotion que tu as pût ressentir .

+100 j ai adoré , un coté drole et respectueux dans ton recit  Souvenir du mali Wink 

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Rondeau
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Sam 22 Mar 2014 - 11:51
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Dim 23 Mar 2014 - 19:20
Merci pour les photos ! Souvenir du mali Wink
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tintarabin
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Ven 23 Jan 2015 - 21:37
belle histoire Merci de l'avoir partagée avec nous
Domuz38
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Mer 28 Jan 2015 - 20:51
Merci, beau récit !!

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La valeur d’un trophée de sanglier ne se mesure pas en centimètres. Pour moi c’est l’investissement personnel,la difficulté pour l’obtenir et les personnes avec qui on partage ces moments,qui en font sa vraie valeur.
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